1. Le code du travail
Le droit d’alerte économique fait partie des droits de tout CSE. Il est présenté dans l’article L.2312-63 du code du travail :
« Lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications ».
Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du CSE. Si le CSE n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport.
Ce rapport, au titre du droit d’alerte économique, est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.
2. Situations justifiant le déclenchement de l’alerte économique
Le CSE apprécie lui-même les faits qui lui semblent préoccupants. Si la loi ne fixe aucun fait préoccupant, certains signes justifient le déclenchement d’une procédure d’alerte :
Une perte de clients ou d’un client important ;
Une baisse importante du chiffre d’affaires ;
Un rallongement des délais de règlement fournisseurs ;
Le report renouvelé d’échéances de dettes ;
Des retards dans le versement du paiement des salaires ;
Le non-respect de la tenue des assemblées générales (AG) ;
Le refus de certification des comptes par le commissaire aux comptes ;
Des licenciements pour motif économique successifs ;
Des mesures de gestion qui vous paraissent non productives ;
La perte d’un fournisseur important ;
Licenciement d’un manager clé ou d’un cadre-dirigeant ;
Le retrait d’un actionnaire important ;
…
Les faits se définissent comme « préoccupants » dès lors qu’ils peuvent avoir une incidence significative sur la pérennité de l’entreprise ou sur l’emploi.
1. Une procédure en 3 étapes
1ère étape
Dans un premier temps le CSE demande à l’employeur de justifier l’ensemble des faits préoccupants qu’il a relevés précédemment. Les questions sont obligatoirement inscrites à l’ordre du jour de la réunion. Le chef d’entreprise doit apporter, au cours de la réunion, des réponses précises et motivées, éventuellement accompagnées de documents.
Au cours de cette réunion, la poursuite de la procédure d’alerte peut être décidée en l’absence de réponse ou en cas de réponses insuffisantes, ou non satisfaisantes.
Elle se traduit par une résolution du CSE soumise au vote portant sur la poursuite ou non du droit d’alerte économique.
Si le CSE est satisfait des réponses apportées par la direction, la procédure s’arrête.
Si le CSE trouve les réponses insuffisantes ou que la situation est préoccupante, il peut procéder, dans la foulée, à la désignation d’un expert-comptable pour l’assister dans le cadre du droit d’alerte :
- 1ère motion : conformément à l’article L.2312-64 du code du travail, le CSE décide de se faire assister par un expert-comptable relativement à l’exercice du droit d’alerte économique.
- 2nde motion : pour effectuer la mission, le CSE choisit de désigner le Cabinet (X ou Y) dans le cadre de cette mission.
Chacun des votes doit obtenir la majorité absolue des membres titulaires présents.
2ème étape
Un rapport est ensuite établi par le CSE qui peut se faire assister par un expert-comptable co-financé par l’employeur (80%) et le comité (20%).
Les pouvoirs d’investigation et le déroulement de la mission de l’expert-comptable sont ceux applicables à toutes les missions légales ; c’est-à-dire que l’expert à accès à l’ensemble des informations qui lui semblent “utiles” (Soc., 16 mai 1990, no 87-17.555).
Une fois établi, le rapport est transmis à l’employeur, au commissaire aux comptes s’il existe, et présenté en réunion du CSE.
3ème étape
Enfin, au terme de cette procédure, le CSE émet un avis sur l’opportunité de saisir de ses conclusions l’organe chargé du contrôle de la société. Cet organe doit apporter une réponse motivée et l’extrait du procès-verbal de la délibération où figure cette réponse doit être adressé au CSE dans le mois qui suit la réunion.
Attention, les informations concernant l’entreprise communiquées dans le cadre de la procédure du droit d’alerte économique sont par nature confidentielles.
Le droit d’alerte ne peut être exercé qu’une fois par exercice. Il est parfois difficile de juger du bon moment pour le faire.
C’est pourquoi nous conseillons aux élus de se rapprocher d’un expert-comptable spécialisé dans le Droit des CSE avant d’engager une telle procédure.
Rappelons ici que les élus peuvent recourir à ce type d’expert pour la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise. Celà peut-être l’occasion d’échanger avec l’expert sur l’opportunité de déclencher l’alerte en cas de suspiscion sur la santé économique actuelle ou future de l’entreprise.
2. Les enjeux du droit d’alerte économique
Les enjeux d’un droit d’alerte économique sont de mettre les « cartes sur la table ». Les sujets délicats sont généralement peu développés au sein des consultations du CSE. La direction préférant ne pas alarmer les représentants des salariés, elle ne les informe pas sur le caractère préoccupant de telle ou telle situation.
L’une des raisons principales de la direction est la peur que les informations « fuitent » du CSE et créent ainsi un sentiment anxiogène parmi les salariés et les découragent ou les mobilisent contre elle.
Pour autant, en tant qu’élus, vous avez des prérogatives économiques, et celles-ci vous donnent droit à toute l’information économique, financière ou bien sociale de votre entreprise. Vous devez à ce titre parler de vos doutes et poser vos questions.
Le droit d’alerte économique, fixé par la loi, oblige la direction à vous répondre de manière précise, transparente et motivée.
Code du travail : articles L2312-63 à L2312-69
Droit d’alerte économique
Le comité d’entreprise est en droit d’obtenir des informations sur la stratégie de la société mère à l’égard de sa filiale en cas de situation de dépendance de cette dernière.
Cass.soc, 21 septembre 2016, n° 15–17.658
Un projet de fusion ne suffit pas, à lui seul, à justifier le déclenchement du droit d’alerte économique.
Dans le cadre d’une entreprise multi-établissements, le droit d’alerte ne peut être en oeuvre qu’au niveau du comité central.