Alerte pour risque grave-Droit de retrait
Lorsque le représentant du personnel au comité social et économique (CSE) alerte l’employeur en application des dispositions du code du travail, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire sur le registre des risques graves et imminents.
L’employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.
1. Quel objectif de l’alerte?
L’objectif de la mise en place d’une procédure de prise en charge des salariés exposés à des risques graves est de pouvoir capter un maximum de cas avant que les situations ne s’aggravent.
Mais il ne suffit pas que la procédure existe pour que les situations à risque ou les troubles soient détectés. Il est nécessaire que l’ensemble des salariés aient confiance en cette procédure. D’où l’importance de travailler avec les partenaires sociaux pour concevoir des dispositifs qui offrent, à chaque personne exposée ou à chaque témoin d’une situation à risque, la possibilité d’orienter sa déclaration vers une personne de confiance.
2. Qui sont ces personnes de confiance ?
Plusieurs acteurs peuvent faire remonter l‘information : le médecin de prévention, l’assistante sociale, les représentants du CHSCT ou du CSE, les collègues, le référent mixité, le référent RPS, le référent harcèlement sexuel etc.
Dès qu’il en est informé, le chef d’entreprise ou son représentant doit en premier lieu prendre des dispositions pour faire cesser la situation de danger. Puis, il doit informer les membres de la cellule pluridisciplinaire dans les meilleurs délais afin qu’ils se réunissent pour décider de l’action à entreprendre.
La démarche
- Le danger est repéré par un acteur de la prévention ou bien par un représentant du personnel ou par un tiers, ou alors c’est directement le salarié qui se plaint.
- Le chef d’entreprise est informé de la situation.
- Le chef d’entreprise reçoit les protagonistes et leur demande de rendre compte par écrit des faits.
- Le chef d’entreprise met en place une mesure préventive pour éviter toute aggravation.
- Le chef d’entreprise convoque la cellule pluridisciplinaire et expose les faits.
3. Le rôle indispensable des représentants du personnel
Les membres du CSE doivent utiliser cette procédure de danger grave et imminent avec prudence et discernement.
Ainsi, pour la mise en place de cette procédure, il est conseillé :
- d’avoir déjà réalisé des « alertes » sur ces risques auprès de la direction (courrier du CSE, évocation en réunion de CSE) ;
- de vous assurer d’avoir des indicateurs précis permettant de justifier la gravité du risque en question (droit d’alerte des salariés, indicateurs RH et de santé, écrits et témoignages des salariés, enquête CSE, etc.).
Une fois l’alerte consignée sur le registre spécial des dangers graves et imminents, une enquête devra nécessairement être conduite conjointement entre les représentants du personnel et la direction.
Les représentants du personnel peuvent également utiliser leur droit d’expertise. Le recours à un expert peut en effet constituer une aide précieuse pour le diagnostic et pour déterminer les leviers d’action adaptés.
Une expertise externe peut apporter son recul pour traiter les aspects pratiques, mais complexes, tels que :
- faut-il un référent dans chaque Direction pour accueillir les plaintes ?
- doit-on formaliser les entretiens dès le premier accueil ?
- qui décide de lancer une enquête ?
- doit-on faire appel à un psychologue et si oui, dans quel(s) cas ?
Si les salariés ont un motif raisonnable de penser que certaines situations présentent un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ils peuvent alors exercer leur droit de retrait et interrompre leurs activités, tant que leur employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention adaptées.
1. Qu’est-ce que le droit de retrait ?
Matériel non conforme, locaux non chauffés, absence d’équipements de protection collective ou individuelle, risque d’agression, sont autant de situations susceptibles de justifier le droit de retrait des salariés.
En effet, conformément aux dispositions du Code du travail, le salarié qui estime que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut quitter son poste de travail ou refuser de s’y installer. C’est ce que l’on appelle le droit de retrait.
Ce dispositif, qui est un droit et non une obligation, s’apprécie subjectivement du point de vue du salarié.
En effet, le salarié n’a pas à prouver qu’il y a bien un danger, mais doit se sentir menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie, en raison par exemple d’une installation non conforme ou encore de l’absence d’équipements de protection individuelle.
C’est bien au salarié d’apprécier au regard de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience si la situation présente pour lui un danger « grave » et « imminent » pour sa vie ou sa santé.
La notion de gravité signifie que le danger doit être une menace pour la vie ou la santé du salarié, résultant par exemple d’une machine non conforme susceptible de le blesser. L’imminence signifie pour sa part que le risque est susceptible de survenir dans un délai rapproché. Il importe peu que le dommage se réalise immédiatement ou progressivement, du moment qu’il puisse être envisagé dans un délai proche.
2. Quelles sont les situations de travail pouvant justifier un droit de retrait ?
L’origine du danger peut être diverse : une ambiance de travail délétère, un processus de fabrication dangereux, un équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité, un risque d’agression, l’absence de protection…
Le droit de retrait a notamment été considéré comme justifié pour un salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins étaient défectueux, ou bien, dans une autre affaire, pour un salarié chargé de nettoyer des voitures dans un atelier où la température avoisinait les 3 °C.
Le danger doit toutefois présenter un certain degré de gravité. A titre d’exemple, le salarié qui quitte son bureau sans autorisation et s’installe dans un autre local au motif que les courants d’air dont il se plaint présentent un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ne justifie pas son droit de retrait.
Les exemples jurisprudentiels sur la question du droit de retrait sont nombreux. Il convient toutefois d’être vigilant à ne pas en faire de généralités dans la mesure où chaque solution retenue par les juges dépend pour chaque affaire des circonstances de fait.
3. Quel formalisme le salarié doit-il respecter avant d’exercer son droit de retrait ?
Le retrait du salarié d’une situation dangereuse n’est soumis à aucune condition spécifique, si ce n’est celle d’être en cours d’exécution de son contrat de travail.
En pratique, il est toutefois recommandé, pour le salarié qui souhaite exercer son droit de retrait, d’informer son employeur ou son responsable hiérarchique, en indiquant ses raisons. L’information peut se faire verbalement ou bien par courriel par exemple.
Il est en outre préconisé en parallèle d’informer rapidement un représentant du personnel, qui pourra lui-même exercer son droit d’alerte.
4. En pratique, le droit de retrait signifie-t-il que le salarié rentre chez lui ?
Le salarié qui fait jouer son droit de retrait ne peut pas pour autant rentrer chez lui et doit rester à la disposition de son employeur. Celui-ci peut alors l’affecter temporairement sur un autre poste correspondant à ses compétences, le temps de prendre les mesures de prévention adaptées et de lui donner les instructions nécessaires pour lui permettre de reprendre son activité. Lorsque l’employeur considère qu’il n’existe plus de danger grave et imminent, il peut alors ordonner au salarié de retourner à son poste de travail.
5. Le salarié peut-il être sanctionné s’il exerce son droit de retrait ?
Aucune sanction, ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.
Le salarié peut toutefois être sanctionné si les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies ou si son comportement peut s’analyser en une insubordination ou un acte d’indiscipline.
Ainsi, dans l’affaire concernant le salarié qui avait quitté son bureau au motif que des courants d’air présentaient un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, le refus de réintégrer son bureau d’origine a été qualifié par la cour de cassation d’actes d’indiscipline et a justifié son licenciement.
Enfin, le droit de retrait doit être exercé de telle sorte qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent. Si l’exercice du droit de retrait cause un dommage à un tiers, le salarié fautif pourra être sanctionné, sur le plan disciplinaire, mais également sur le plan pénal.
6. Peut-on exercer le droit de retrait à plusieurs ?
La situation de danger peut concerner une seule personne ou un groupe de travailleurs. Dès lors, le droit de retrait peut tout à fait être exercé collectivement. Dans un tel cas, chaque salarié informe individuellement son employeur qu’il se retire de la situation de travail dangereuse, ce qui suppose que chacun ait un motif raisonnable de penser qu’il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Il convient de noter que le droit de retrait ne doit pas être utilisé par les salariés pour faire valoir des revendications professionnelles (augmentation des salaires, de l’effectif, amélioration des conditions de travail, etc.), relevant pour leur part du droit de grève.
En effet, le droit de grève s’entend d’un arrêt collectif de travail en vue de l’amélioration des conditions de travail, alors que le droit de retrait pourra être utilisé par un ou plusieurs salariés tant que leur employeur n’aura pas pris les mesures nécessaires pour supprimer le danger et par exemple, n’aura pas mis en conformité ses machines ou bien n’aura pas renforcé son personnel de sécurité.
Cass. soc., 17 oct. 1989, n° 86-43272 (salarié qui quitte son bureau sans autorisation et s’installe dans un autre local au motif que les courants d’air dont il se plaint présentent un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé : retrait injustifié) ;
CA Paris, 16 janv. 1992, n° 91/34223 (salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins sont défectueux : retrait justifié)
CA Douai 20 avril 2012 N° 11/01756 (salarié chargé de nettoyer des voitures dans un atelier dont la température tournait autour de 3 °C : retrait justifié).
Cass. soc., 1er mars 1995, n° 91-43406 (défaut de conformité des installations de l’entreprise avec les normes de sécurité : retrait justifié) ;
Cass. soc., 10 mai 2001, n° 00-43437 (chauffeur de bus qui refuse de conduire un autobus dont il estime que la direction est trop dure et la suspension trop souple, alors que le médecin du travail l’avait seulement déclaré apte à la conduite de véhicules à la direction souple : retrait justifié).